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LES ARTICLES D'URI AVNERY
Uri Avnery, un des membres fondateurs de Gush Shalom (Voir rubrique Proche-Orient, Israël). Né en Allemagne en 1923, il a immigré en Palestine en 1933. Dès 1948, il a défendu l'instauration d'un État palestinien aux côtés d'Israël. Il a été le premier Israélien à nouer des contacts (en 1974) avec l'OLP, et le premier également à rencontrer Yasser Arafat (en 1982, dans Beyrouth assiégée). Écrivain et journaliste, Uri Avnery est chroniqueur depuis 1993 au quotidien Ma'ariv
Vanunu : Le Terrible Secret
par Uri Avnery
Dans l’obscurité d’une salle de cinéma, on entend une voix de femme : « Eh ! Enlevez vos mains de là ! Pas vous ! VOUS ! »
Cette vieille plaisanterie illustre la politique américaine concernant les armements nucléaires au Moyen-Orient. « Eh, vous là, Irak et Iran et Libye, arrêtez ! Pas VOUS, Israël ! »
Le danger des armes nucléaires a été le principal prétexte à l’invasion de l’Irak. L’Iran fait l’objet de menaces pour qu’il cesse ses activités nucléaires. La Libye a cédé et démantèle ses installations nucléaires.
Et qu’en est-il pour Israël ?
Cette semaine, il est devenu évident que les Américains sont totalement impliqués dans « l’option nucléaire » d’Israël.
Comment l’a-t-on appris ? Grâce à Mordechaï Vanunu, bien sûr.
Toute la semaine, on a assisté à un véritable festival autour du prisonnier libéré mercredi.
L’establishment sécuritaire n’a pas cessé de le harceler, même après ses 18 ans de prison dont 11 en isolement total - un traitement qu’il a lui-même qualifié à sa sortie de prison de « cruel et barbare ».
Après sa « libération », d’importantes restrictions lui ont été imposées (par exemple : il lui est interdit de quitter le pays, il est assigné à résidence dans une seule ville, il ne peut se rendre ni dans une ambassade ni dans un consulat, il ne peut pas parler à des citoyens étrangers). Tout cela aux termes des mesures d’urgence sous le mandat colonial britannique, mesures condamnées à l’époque par les dirigeants de la communauté juive en Palestine comme étant « pires que les lois nazies ».
Bien sûr, il n’y a là aucun désir de vengeance !
Les gens de la sécurité ont déclaré tous azimuts qu’il ne s’agit pas de se venger de la honte que Vanunu a infligée aux services de sécurité, qu’en aucun cas ce ne serait une persécution supplémentaire, mais qu’il s’agit seulement d’une exigence essentielle de sécurité. Vanunu ne doit pas quitter le pays ni parler à des étrangers et des journalistes, parce qu’il est en possession de secrets vitaux pour la sécurité de l’État.
Tout le monde sait bien qu’il n’a plus de secrets à révéler. Qu’est-ce qu’un technicien peut savoir après 18 ans de prison, années au cours desquelles la technologie a progressé à pas de géant ?
Mais, peu à peu, ce dont l’establishment sécuritaire a réellement peur devient clair. Vanunu est en mesure de mettre en lumière le partenariat étroit entre les États-Unis et Israël dans le développement des armements nucléaires de ce dernier.
Cela contrarie tellement Washington que l’homme responsable du « contrôle des armes » au Département d’État, le sous-secrétaire d’État John Bolton, est venu en personne en Israël à cette occasion. Vanunu, semble-t-il, peut faire un grand tort à la superpuissance. Les Américains ont peur d’apparaître comme la dame dans l’obscurité de la salle de cinéma.
(Au fait, le John Bolton en question est un fervent supporter du groupe de néo-cons sionistes qui joue un rôle central dans le théâtre de Bush. Il s’oppose au contrôle des armes aux États-Unis et dans ses satellites et a été installé au Département d’État contre l’avis du secrétaire d’État lui-même.)
Dans une brève intervention que Vanunu a pu faire aux médias juste à sa libération, il a fait une étrange déclaration : que la jeune femme qui a servi d’appât pour son enlèvement il y a 18 ans n’était pas un agent du Mossad comme on l’a dit en général, mais un agent du FBI ou de la CIA. Pourquoi était-il si urgent pour lui de divulguer cela ?
Dès le début, il y a eu quelque chose de bizarre dans l’affaire Vanunu.
J’ai d’abord pensé qu’il était un agent du Mossad. Tout convergeait dans cette direction. Comment peut-on expliquer autrement qu’un simple technicien ait pu introduire une caméra dans l’installation la plus secrète et la mieux gardée d’Israël ? Et prendre des photos apparemment sans difficultés ? Comment expliquer autrement la carrière de cette personne qui, étudiant à l’Université de Beer-Sheva, était bien connue comme appartenant à l’extrême gauche et passant son temps en compagnie de ses condisciples arabes ? Comment aurait-il pu autrement quitter le pays avec des centaines de photos ? Approcher un journal britannique et faire passer aux savants britanniques du matériel qui les a convaincus qu’Israël possédait 200 bombes nucléaires ?
Absurde, n’est-ce pas ? Mais tout s’explique si on admet que Vanunu a agi depuis le début pour le Mossad. Ses révélations au journal britannique non seulement n’ont causé aucun tort au gouvernement israélien, mais au contraire elles ont renforcé la dissuasion israélienne sans impliquer le gouvernement qui avait la possibilité de tout nier.
Ce qui est arrivé ensuite n’a fait que renforcer cette hypothèse. Alors qu’il est à Londres en train de faire ses révélations, sachant qu’une demi-douzaine de services secrets surveillent chacun de ses faits et gestes, Vanunu entame une relation avec une femme étrange, est séduit au point de la suivre à Rome, où il est enlevé et ramené en bateau en Israël. Comment peut-on être naïf à ce point ? Est-il croyable qu’une personne raisonnable tombe dans un piège aussi grossier ? C’est impensable. Cela veut dire que toute l’affaire n’était qu’une histoire bidon classique.
Mais par la suite, quand les détails sur les mauvais traitements quotidiens infligés à l’homme au cours des années sont devenus publics, j’ai dû abandonner cette théorie. Je me suis trouvé confronté au fait que nos services de sécurité étaient encore plus stupides que je ne le pensais (ce que je n’aurais pas cru possible) et que tout avait réellement eu lieu, que Mordechaï Vanunu était une personne honnête et idéaliste, bien qu’extrêmement naïve.
Je ne doute pas que sa personnalité ait été façonnée par son histoire personnelle. Il est le fils d’une famille nombreuse qui vivait bien au Maroc mais s’est retrouvée dans un « camp de transit » rudimentaire en Israël, avant de déménager à Beer-Sheva où elle a vécu dans la pauvreté. Malgré cela, Mordechaï a réussi à entrer à l’université et à obtenir une maîtrise - une grande réussite - mais il semble avoir souffert de l’attitude dominatrice et des préjugés de ses pairs ashkénazes. Sans aucun doute, cela l’a poussé vers l’extrême gauche, où de tels préjugés n’avaient pas cours.
Le groupe des « correspondants des services de sécurité » et autres commentateurs qui sont accrochés aux basques de l’establishment de la sécurité ont déjà répandu des histoires selon lesquelles Vanunu « imagine des choses », ses longues périodes d’isolement l’ayant conduit à « se convaincre de toutes sortes de fantaisies » et à « inventer toutes sortes d’histoires ». C’est-à-dire : l’American connection.
Sur cette toile de fond, on peut alors comprendre toutes ces restrictions qui, à première vue, ont l’air tellement stupides. Les Américains, semble-t-il, sont très ennuyés. Les services de sécurité israéliens doivent en tenir compte. Il faut empêcher par tous les moyens possibles que le monde entende de la bouche d’un témoin crédible que les Américains sont totalement impliqués dans le programme d’armes nucléaires d’Israël, alors qu’ils prétendent être le gendarme du monde pour la prévention de la prolifération nucléaire.
Et la dame a crié : « Pas vous ! VOUS !"
Sources : Lien vers http://www.confidentiel.net/breve.php3?id_breve=1806>
POURQUOI J'AI CHANGE D'AVIS...
par Uri AVNERY
Il n’y a pas si longtemps, je répondais à un européen qui me posait la question suivante : « vous avez été membre, dans votre jeunesse, de l’Irgoun, mouvement de droite. Vous appartenez maintenant au camp de la paix radical. Quand êtes vous passé d’un extrême à l’autre ? à quel moment cela s’est il produit ? »
Il fut très déçu lorsque je lui répondis que le moment dramatique qu’il évoquait, n’avait jamais existé. (Il n’y a pas eu de bond comparable au plongeon de Natahnson dans les profondeurs abyssales de la mer rouge.) Je me suis engagé à l’Irgoun à l’âge de quinze ans. J’étais un gamin indépendant, subvenant déjà à ses propres besoins, et je m’étais forgé une opinion : il fallait expulser l’autorité britannique hors de la terre d’Israël.
C’était au temps des « troubles » (c’est ainsi que nous qualifiions la révolte arabe à cette époque), et la politique de la « retenue » menée, par les chefs du yishuv ( communauté juive pré-étatique vivant en Palestine sous l’empire ottoman puis sous mandat britannique), ne convenait pas à mon tempérament. C’est ce qui m’a poussé vers le mouvement clandestin le plus extrémiste qui existait alors.
Aveuglé par la lumière d’un projecteur, j’étais assis face au comité chargé d’examiner ma candidature . Ils me poseront alors la question de savoir si je haïssais les arabes, je répondis : non, et sentis alors le silence tomber dans la pièce obscure. Ils me demandèrent si je haïssais les Anglais, une fois de plus, je répondis : non, et là encore un silence étonné régna dans l’atmosphère. Mais ils acceptèrent ma candidature et je devins membre de l’Irgoun. Cependant le cheminement qui me conduisit de l’Irgoun à ha’olam Hazeh (’ Ce Monde », journal radical créé et édité par Avnery -Ed), prônant la création d’un état palestinien aux côtés d’Israël, me paraît très naturel.
Je suis un individu membre d’un groupe national. Je pense qu’au stade actuel de développement de la société, le besoin d’un individu d’appartenir à un groupe national, est une caractéristique naturelle. Toute personne ressent un besoin « d’appartenance ». Elle veut faire partie d’une nation dont elle puisse être fière et qui la défendra. C’est ainsi que je ressentais les choses lorsque j’étais gamin et c’est ce qui m’a mené vers l’Irgoun.
Mais être membre d’un groupe national ne signifie pas être nationaliste. Un nationaliste dirait : « Nous et personne d’autre. Mon peuple aux dépens d’autres peuples.Nous sommes allés, au-dessus de tous les autres.
Même à ce moment là, je comprenais qu’un individu membre d’un groupe national pouvait avoir conscience de sa propre identité nationale tout en respectant celle des autres.
J’ai quitté l’Irgoun lorsque j’ai compris que ce mouvement était totalement insensible aux droits du peuple Palestinien et qu’il ne reconnaissait même pas son existence. Le gamin que j’étais à l’époque était plein d’admiration pour la capacité d’analyse de Zeev Jabotinsky ( ?) qui reconnaissait l’existence d’une entité nationale arabo-palestinienne et allait même jusqu’à railler les leaders sionistes qui l’ignoraient. Je n’acceptai pas en revanche, sa solution qui consistait à briser leur résistance par la force. Je mûris. Ce qui me paraissait juste lorsque j’avais quinze ans me sembla injuste lorsque j’en eus vingt.
Après mon départ de l’Irgoun, j’essayai de gérer la réalité telle que je la percevais : il y avait dans ce pays deux groupes nationaux, chacun d’entre eux considérant l’intégralité de cette terre comme sa patrie. Le mouvement sioniste niait évidemment l’existence même d’un peuple palestinien.Les Cananéens de Yonatan Ratosh, niaient l’existence du nationalisme arabe en général et celui des palestiniens en particulier. Ceux, peu nombreux, qui comprenaient le problème, prônaient l’ « État binational ». Je ne crois pas en cette solution, pas plus aujourd’hui qu’a cette époque.
Je développai à ce moment-là, une idée différente. S’il y avait deux groupes nationaux considérant la même terre comme leur patrie, pourquoi ne pas essayer de les fondre dans un même mouvement national fondé sur l’amour de la terre ? Pourquoi ne pas mettre en place un système d’éducation commun au sein duquel les étudiants apprendraient à s’identifier à l’histoire du pays dans toute sa diversité-- depuis les Cananéens et les Israélites, les Grecs et les Romains, les Arabes et les Croises, Les Mamelouks et les Ottomans jusqu’aux mouvements nationaux contemporains, hébreux et palestiniens ?
Cette idée résultait de ma conviction que nous constituions sur cette terre, une nation, la nation hébraïque. Mais je ne pensais pas comme les Cananéens, que nous devions nier notre lien à la diaspora juive. Tout au contraire, je pensais que la nouvelle nation hébraïque appartenait au peuple Juif, bien qu’en étant un élément indépendant et séparé. Je pensais que notre histoire nationale devait être reliée à la terre et non à l’errance de pogrom en pogrom. Symétriquement celle des Palestiniens devait l’être également, au lieu de se disperser dans la péninsule Arabe. Nous pourrions ensuite, à partir du destin commun d’une patrie partagée, nous unir dans un mouvement national et combattre ensemble les Anglais dans le double but de libérer notre terre et préparer notre vie future. C’était une idée audacieuse quasiment sans précédent (la Suisse ?), mais à cette époque nous pensions que nous étions à même d’accomplir à peu tout ce que nous souhaitions . Il nous suffisait de le vouloir.
C’est à partir de ces idées qu’en 1946, je fondai (avec Amos Elon, Michael Ammaz et d’autres), un groupe idéologique. Sa dénomination officielle était, en hébreu : la jeune terre d’Israël, en arabe falastin Al Fattat, mais il était plus communément désigné par Kvutsat Bamaavak (groupe de combat), d’après le titre de la revue que nous publiions. Revue qui bien que très largement ditribuée trouvait un écho majoritairement négatif au sein de la petite communauté du yishuv de l’époque. La guerre de 48 changea tout. Je dus, à mon grand regret, abandonner l’idée du mouvement national commun. En tant que combattant de l’unité d’opérations spéciales Samson Fox, j’affrontai la réalité du peuple Palestinien. Je fus témoin de la création de la Nakba (le terme palestinien désignant la catastrophe qu’ils subirent en 1948). C’est dans mon lit d’hôpital où je restai longuement alité, après avoir été blessé à la fin de la guerre, que je trouvai le temps de réfléchir à cette situation nouvelle. J’arrivai à quelques concluions catégoriques qui m’ont guidé depuis lors : 1. L’existence du peuple palestinien est un fait irréversible. 2. Le partage de la terre est un fait irréversible. 3. Nous ne pourrons vivre tranquillement sans l’émergence d’un État Palestinien aux côtés du nouvel état d’Israël.
Je ne crois pas que nous ayons été même une douzaine dans le monde entier à cette époque , à défendre cette idée de deux états. J’en parlai abondamment quant à moi, tant oralement, notamment à la Knesset, que par écrit dans haolam hazeh. Le cinquième jour de la guerre des six jours, je proposai à Levi Eshkol alors Premier ministre, de prendre des mesures immédiates en vue de la création d’un état palestinien en Cisjordanie et à Gaza. Depuis, j’ai participé à l’émergence de nombreux mouvements prêchant cette idée.
Dans tous les plans de paix à l’élaboration desquels j’ai participé, l’idée de deux états impliquait le principe suivant : « la frontière entre l’état d’Israël et l’État de Palestine sera ouverte ». Même lorsqu’ 1995, Gush Shalom, en étroite coopération avec feu Feisal Husseini, inventa le slogan « Jérusalem, capitale des deux états », nous insistâmes pour que Jérusalem reste géographiquement unie et qu’il n’y ait ni murs ni barbelés en son sein.
C’est pourquoi je me suis opposé de toutes mes forces au mur de séparation. J’aurais rejeté ce projet, même si son trace avait été exactement calqué sur la ligne verte (frontière préexistante à la guerre des six jours). Je pense que l’idée même de mur est contraire à l’esprit même de paix, sans lequel l’avènement d’une paix réelle est impossible. C’est tout récemment que j’ai compris la nécessité de faire une concession tactique sur ce sujet. Il est impossible d’ignorer la peur bien réelle que provoquent les attentats suicides. Elle est le lot commun de la majorité de la population. israélienne. C’est pourquoi je suis prêt aujourd’hui à soutenir l’édification du mur-barrière le long de la ligne verte, en insistant sur le caractère impérativement provisoire de cette mesure, et à la condition qu’il n’empiète en aucun lieu sur le territoire Cisjordanien. Je pense qu’il est possible de convaincre la majorité de la population sur cette base.
Je suis optimiste comme je l’ai toujours été. Les idées pour lesquelles j’ai combattu - nécessité de reconnaître l’existence du peuple palestinien, nécessité de la création d’un état palestinien aux côtés de l’état d’israel, nécessité de négocier avec l’Organisation de Libération de la Palestine etc ?- ont fini par remporter la bataille.
Après que tous les murs auront été démantèles , que tous les tours de magie trompeurs d’Ariel Sharon auront été déjoués et que tous ceux de son espèce se seront effondrés, il restera un fait, basique, crucial et déterminant : nous sommes là et nous y resterons. Les Palestiniens sont là et ils y resteront. Ils ne nous extermineront pas et nous ne les exterminerons pas. L’idée de nettoyage ethnique est un cauchemar illusoire.
Mais nous ne pourrons pas vivre ensemble dans un état binational-- une utopie qui n’a aucune racine dans la réalité de notre histoire commune des 120 dernières années.Cette position m’a valu d’être très récemment la cible d’attaques venant de ces cercles qui en Israël et en Europe, désespérant de voir un jour se concrétiser une solution à deux états, sont revenus à l’idée de l’état binational. Mais les Israéliens n’accepteront jamais de dissoudre leur état et les Palestiniens ne renonceront jamais à créer leur propre état.
Cela n’est pas très clair pour une partie de la gauche européenne, qui considère, après 50 années de paix, que l’ère des nationalismes est révolue. Ils m’accusent ici et la d’être un nationaliste israélien. M’adressant un jour à un public Berlinois, j’ai dit : « lorsque vous-mêmes et les Français dissoudrez vos nations respectives pour former une seule et même nation, nous ferons de même ».
Il n’existe qu’une solution pratique : Israël et Palestine, deux états pour deux peuples, deux drapeaux distincts, deux gouvernements distincts, mais une alliance entre les deux qui ne fera que croître tout naturellement au fil des années.Lorsque le monde entier sera passé d’un nationalisme étriqué a un ordre international, nous serons sans aucun doute au premier rang.
Il convient d’être extrêmement clair : le Nationalisme est l’ennemi de la nation , une excroissance cancéreuse de son organisme. Il s’approprie les drapeaux et les symboles de la nation pour mieux les détruire de l’intérieur. C’est ce que fit le fascisme européen. C’est ce qui s’est produit dans de nombreux endroits en Asie et en Afrique. C’est la raison pour laquelle nombre de braves gens ont honte de revendiquer leur identité nationale. Mais c’est là une approche erronée.
Mon souhait profond est que le visage d’Israël se modifie, qu’il devienne un état humain, laïque, démocratique, pluraliste, égalitaire, libéral et anti-raciste, un état à majorité hebraïque, mais au sein duquel tous les citoyens le soient à part entière, un état qui vive en paix et soit ouvert sur le monde-un état dont je puisse être fier.
Mon but est de pouvoir à nouveau un jour, déclarer en bombant le torse et la tête haute : je suis Israélien.
[1] L’auteur est écrivain et journaliste et dirigeant de Gush Shalom (Bloc de la paix)
Traduction La Paix Maintenant
Texte original en anglais sur Haaretz
sources : Lien vers http://www.aloufok.net/article.php3?id_article=1568>
Busharon : Le compte à rebours
par Uri AVNERY
L'étrange créature qu'on appelle Busharon a de sérieux problèmes.
La partie face de l'animal - George W. Bush - a des problèmes avec des photos de nus. Non seulement celles de ces infortunés prisonniers irakiens, avec l'exubérante soldate montrant leurs parties génitales, mais aussi celle de Bush lui-même dont la nudité a été exposée aux yeux de tous.
Celui qui a sauvé le peuple irakien d'un cruel tyran, le courageux leader apportant la démocratie en Mésopotamie, le représentant de la civilisation occidentale se battant contre la barbarie - est apparu tel qu'il était, un barbare cruel.
Ne le laissons pas se faire d'illusions: ce n'est pas un problème de quelques sadiques, hommes et femmes, qui se seraient trouvés là. Il apparaît déjà clairement qu'il y a eu des sévices systématiques sur des prisonniers - les laisser nus, les humilier sexuellement, leur envoyer des chiens méchants qui les ont probablement mordus, les priver de sommeil, les garder enchaînés dans des positions pénibles durant de longues périodes, leur couvrir la tête de cagoules crasseuses, les menacer d'électrocution - toutes ces choses ayant été photographiées. Mais il ne fait aucun doute que, étant donné un tel comportement à l'égard des prisonniers, des tortures bien pires leur ont été infligées sans être photographiées.
Il est maintenant tout à fait clair que c'est devenu une méthode courante utilisée pour «rendre plus doux» les prisonniers. Pas seulement dans cette prison-là, pas seulement dans toutes les autres prisons d'Irak, mais aussi en Afghanistan, dans l'île infernale de Guantanamo et dans tous les autres endroits où de semblables victimes sans défense, la plupart d'entre elles des gens innocents pris par accident, sont emprisonnées: autrement dit, c'est un problème politique émanant du plus haut niveau.
Les soldats, hommes et femmes, qui se sont complaisamment laissé photographier dans ces scènes pornographiques sont certainement haïssables, mais tous ceux qui connaissent la vie militaire savent que cela ne relevait pas de l'initiative personnelle. De tels actes, montrés sur des centaines de photos, ne peuvent pas se poursuivre longtemps sans que toute la chaîne de commandement soit impliquée.
Tout simple soldat est influencé par l'état d'esprit de ses supérieurs, en tout cas jusqu'au niveau de la brigade. Le commandant de brigade, quant à lui, est influencé par l'état d'esprit de ses supérieurs, jusques et y compris le chef d'état-major. En l'occurrence, il a été confirmé que les chefs du Pentagone et le ministre de la Défense connaissaient les faits depuis longtemps. Le général chargé de l'enquête n'a trouvé aucun ordre écrit, mais de tels ordres sont toujours transmis oralement, et quelquefois par un simple geste ou un clignement de l'œil.
Ces soldats, la plupart venant de familles normales, se sont conduits comme dans des scènes de lynchage, et pour la même raison: le déni de l'humanité des autres races alors considérées comme infra-humaines. Le racisme transforme les membres de la race supérieure eux-mêmes en sous-hommes.
À l’occasion de la publication de ces photos, George Bush a montré son vrai visage. Il aurait pu renvoyer toute la chaîne de commandement, du secrétaire d'État au directeur de prison. Il ne l'a pas fait, bien sûr.
Tous les arguments tendant à justifier cette guerre contre l'Irak se sont effondrés. Ni démocratie, ni libération, ni civilisation. Il ne reste qu'une pure et simple agression de magnats voleurs, cyniques et cruels, exactement comme les hommes de main de Saddam Hussein.
Si je peux me permettre un pronostic: cette semaine commence le compte à rebours de la fin de la carrière de George W.
La partie arrière de l'animal - Ariel Sharon - a également de sérieux problèmes.
Ceux-ci ont commencé avec le rejet du plan de «désengagement unilatéral» par les membres du Likoud, une infime partie de la population manipulée par les colons. Depuis lors, Sharon tourne en rond comme un animal en cage. Il n'a pas la majorité parmi ses ministres et les membres du Parlement (tenus par le référendum du parti), il est incapable de former un autre gouvernement (les députés de son parti ne le lui permettront pas), il est incapable de remplir sa promesse à Bush (et il a ridiculisé Bush).
Il a commencé à blablater sur «d'autres plans» qu'il serait en train de concevoir - ce qui rappelle une des blagues de Groucho Marx: «Ce sont mes principes. Si vous ne les aimez pas, j'en ai d'autres.»
Si Sharon avait vraiment eu l'intention de quitter Gaza, il l'aurait fait tout de suite et sans tout ce raffut, en fixant un calendrier précis et sans en changer les termes tous les deux jours. Il aurait inclus dans son plan l'évacuation de l'«Axe Philadelphie», l'étroite bande large de quelques centaines de mètres entre Gaza et l'Égypte, qui coûte presque chaque jour des vies humaines.
Une semaine après le référendum du Likoud, deux coups terribles ont été subis. Un véhicule blindé transportant une grande quantité d'explosifs est entré à Gaza-Ville pour faire sauter des immeubles et il a été atteint par une bombe placée au bord de la route par la guérilla palestinienne. Elle a explosé, déchiquetant les six soldats israéliens. Le jour suivant, exactement la même chose a eu lieu sur l'«Axe Philadelphie»: un camion blindé de transport de troupes plein d'explosifs, envoyé là pour faire sauter des tunnels sous la frontière, a été touché par une fusée palestinienne et a explosé avec ses cinq occupants.
La puissance de chacune des deux explosions a été telle que des morceaux de corps ont été éparpillés sur des centaines de mètres. Tout le pays a vu à la télévision la façon dont les soldats israéliens accroupis filtraient le sable à mains nues pour rassembler les morceaux des corps de leurs camarades. Les médias ont fait de la surenchère dans l'orchestration d'une hystérie nécrophile, les commentaires interminables sur les débris humains alternant avec des scènes de funérailles.
Il était impossible de ne pas faire le lien direct entre le rejet du Likoud par référendum du retrait et la mort des soldats. L'acteur Shlomo Vischinsky, dont le fils Lior a été tué dans le second véhicule, l'a exprimé de la façon la plus simple quand il a rendu les membres du Likoud responsables de la mort de son fils.
Pour la première fois, les Israéliens ont vu la véritable image de Gaza: ni «terreur», ni «terroristes», mais une classique guerre de guérilla, toute la population participant à la lutte contre les forces d'occupation. Gaza d'aujourd'hui, Cisjordanie de demain.
Dans une telle lutte, nous ne pouvons pas gagner. On peut tuer des Palestiniens à grande échelle, détruire des quartiers entiers comme aujourd'hui. Mais on ne peut pas gagner. Les gens commencent à le comprendre. La «gauche sioniste», semble-t-il, est également en train de se réveiller d'un coma qui dure depuis quatre ans.
Israël va quitter la Bande de Gaza comme il a quitté la «Bande de Sécurité» au Sud-Liban. La similitude entre les deux bandes est tellement évidente que les gros titres le proclament dans tous les médias.
Si je peux me permettre un second pronostic: cette semaine commence le compte à rebours de la fin de la carrière d'Ariel Sharon.
Sources : Lien vers http://www.nord-palestine.org/ressources_Uri_Avnery.150504.htm>
N'en croyez pas un mot
par Uri AVNERY
Le discours de Weisglass a disputé l'attention des médias à l'histoire du « brancard » (une histoire qui révèle également les méthodes de Sharon).
Cela aurait pu être drôle si les résultats n'en avaient pas été pas aussi tragiques. Après s'être employés systématiquement à détruire l'Autorité nationale palestinienne, Sharon et ses généraux essaient maintenant d'écraser l'UNRWA.
Quand Ariel Sharon a annoncé son plan de « désengagement unilatéral », les médias ont annoncé que le camp de la paix allait lancer une grande campagne de soutien. Le bureau du Premier ministre lui a demandé de n'en rien faire, craignant qu'une telle campagne conduise l'extrême droite à s'opposer au plan.
La Paix Maintenant n'était pas le seul groupe « de gauche » à s'enthousiasmer pour ce plan. Les dirigeants du parti travailliste ont déclaré qu'en fait c'était leur propre plan et que, par conséquent, il était de leur devoir de rejoindre le gouvernement pour aider Sharon à le mettre en œuvre.
J'étais une des rares personnes à s'élever contre le plan. J'ai dit (http://www.gush-shalom.org/archives/article282.html) que c'était en fait un plan d'extrême droite pour annexer la plus grande partie de la Cisjordanie, enterrer le processus de paix et tromper l'opinion publique en Israël et à l'étranger.
J'étais sûr de cela parce que je connais Sharon. J'ai observé l'homme pendant 50 ans et écrit trois essais biographiques sur lui. Je sais ce qu'il pense et je sais comment il opère.
Aujourd'hui, Dov Weisglass a confirmé tout ce que j'ai dit, et au-delà. Dans une interview à Haaretz, il a déclaré que le seul but du plan était de « geler » le processus de paix. L'objectif réel du « désengagement » est de bloquer les négociations avec les Palestiniens pour des dizaines d'années et d'empêcher toute discussion sur la Cisjordanie, tout en continuant l'extension des colonies israéliennes de manière à mettre fin à toute possibilité d'édification d'un futur Etat palestinien.
Dov Weisglass n'est pas n'importe qui. Il fait penser à une « éminence grise », le Cardinal de Richelieu, le conseiller du roi de France il y a près de 400 ans. A l'époque on disait que c'était lui qui gouvernait réellement dans les coulisses.
Weisglass a été le conseiller juridique et un proche ami personnel de Sharon pendant des décennies. Il est l'émissaire spécial de Sharon pour les missions délicates, l'homme qui peut mener Condoleezza Rice par le bout du nez. Dans la ménagerie de Sharon, il est le renard.
Sa déclaration si franche met un point final à une tromperie. Elle a jeté la honte sur les âmes pures de La Paix Maintenant et les âmes moins pures de Shimon Peres & Co du parti travailliste, mais aussi sur George Bush et les autres dirigeants mondiaux qui avaient pris ce modèle de duplicité pour un plan de paix sérieux. (Le pauvre Colin Powell l'a même qualifié d'« historique ».)
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Le discours de Weisglass a disputé l'attention des médias à l'histoire du « brancard » (une histoire qui révèle également les méthodes de Sharon). Cela aurait pu être drôle si les résultats n'en avaient pas été pas aussi tragiques.
Sharon veut détruire l'UNRWA, l'Agence spécialisée des Nations unies qui allège la misère des quatre millions de réfugiés palestiniens. C'est une grosse organisation de 25.000 employés comprenant des professeurs, des travailleurs sociaux et des médecins, Palestiniens bien sûr pour la plupart d'entre eux. Elle fournit aux réfugiés les services alimentaires, d'éducation, de santé et, en cas de besoin, un toit. Sans elle, les réfugiés auraient depuis longtemps sombré dans la faim et le désespoir. Actuellement, alors que notre armée détruit des quartiers entiers de Gaza et leur infrastructure, l'UNRWA fournit de la nourriture, des tentes et des soins médicaux aux Palestiniens nécessiteux, qui ne sont pas des réfugiés.
L'existence même de cette organisation contrarie Sharon et ses généraux, qui veulent briser la résistance des Palestiniens en faisant de leur vie un enfer. Après s'être employés systématiquement à détruire l'Autorité nationale palestinienne, ils essaient maintenant d'écraser l'UNRWA. Comme cela a été dit dans les médias, Sharon a donné l'ordre à ses généraux de fournir au service de propagande du ministère des Affaires étrangères des photos secrètes de l'armée prouvant que l'UNRWA coopère avec des « organisations terroristes ».
Le lendemain, toutes les chaînes de télévision israéliennes ont diffusé des photos aériennes montrant un lance-roquettes Qassam en train d'être chargé dans une ambulance de l'UNRWA. C'était le début d'une campagne virulente contre l'organisation. Des diplomates israéliens à New York ont demandé que le directeur danois de l'UNRWA, Peter Hansen, soit renvoyé.
Deux jours plus tard, tout s'est dégonflé. L'UNRWA a affirmé que l'homme sur la photo ne portait pas un lance-roquettes mais un brancard. Les généraux ont d'abord donné un démenti puis ils ont bafouillé, et enfin ils ont admis à contrecoeur que, peut-être, c'était une erreur déplorable : les analystes professionnels dans les services secrets de l'armée, des sergents subalternes et des sous-lieutenants, avaient peut-être mal interprété les photos.
Cette réponse mérite réflexion. Les analystes ont-ils menti ou croyaient-ils ce qu'ils disaient. Les deux hypothèses sont aussi graves l'une que l'autre.
Si les experts ont menti, ils n'ont rien fait d'exceptionnel. On peut dire qu'ils n'ont fait que ce que les gens des services secrets font partout dans le monde : fournir à leur patron les informations qu'ils veulent entendre. Bush veut attaquer l'Irak ? La CIA fournit une information sur les armes de destruction massive de Saddam. Sharon veut détruire l'UNRWA ? Les services secrets fournissent des photos des lance-roquettes de Hansen.
Il y a 50 ans, quand des correspondants étrangers m'interrogeaient sur la crédibilité des déclarations officielles des FDI, j'avais l'habitude de répondre que notre armée ne ment pas. On devait croire ses communiqués, sauf exception. Cette époque est révolue. Quand on me pose la même question aujourd'hui, je conseille de ne pas croire un seul mot des déclarations de l'armée, sauf exception.
Ainsi il n'y a rien d'étonnant à ce que les services secrets de l'armée mentent. Au cours des nombreuses comparutions devant le gouvernement et le comité des Affaires étrangères et de la sécurité de la Knesset, les chefs des services secrets propagent carrément des mensonges et de fausses affirmations. Il n'y a là rien de nouveau.
Mais il est aussi possible que les experts aient cru en la véracité de leurs informations. Et cela est encore plus effrayant.
Il n'est pas besoin d'être un expert pour voir que l'homme sur la photo ne porte pas un lance-roquettes. On ne porte pas un objet lourd dans une seule main comme la personne sur la photo. Il est clair que ce qu'elle porte est léger. Un deuxième regard montre qu'à l'évidence c'est vraiment un brancard. Il ressemble à un brancard et l'homme le porte comme un brancard. (« S'il marche comme un canard et crie comme un canard… »)
Si les experts ont fait une erreur, pourquoi est-ce si terrible ? C'est terrible parce que les forces aériennes tirent souvent sur des « équipes de lance-roquettes » identifiées comme telles par les mêmes analystes de photos, un verdict transmis en quelques secondes et qui provoque la mort en quelques secondes. Après quoi les porte-parole de l'armée annoncent fièrement qu'une nouvelle équipe meurtrière a été « éliminée ». Combien d'êtres humains, y compris des enfants, ont-ils été tués par cette sorte d'« identification certaine » ?
Pire encore, cette « erreur »-là invite pratiquement les soldats à tirer sur des ambulances transportant les blessés.
Je n'ai rencontré Peter Hansen qu'une fois à une conférence des Nations unies sur les réfugiés. Il m'a fait l'effet d'un homme honnête et qui a des principes. J'espère qu'il restera à son poste.
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Un cas d'assassinat à la suite d'une « identification certaine » cette semaine aurait dû bouleverser le monde.
Imam Alhamas, une fillette de 13 ans de Rafah, était sur le chemin de l'école, suivant la même route que tous les jours. Soudain elle a été prise sous un feu mortel. Les médecins ont extrait 20 balles de son corps. Etant donné que les balles n'atteignent pas toutes leur cible mais seulement quelques-unes, on peut supposer qu'au moins cent balles ont été tirées sur elle à partir de plusieurs positions de l'armée - cent balles pour une petite fille. Dans son sac, on n'a trouvé que des livres scolaires.
Les porte-parole de l'armée ont émis la déclaration mensongère traditionnelle : la fillette était entrée dans une « zone interdite », les soldats l'ont prise pour une « terroriste », ont cru que son cartable contenait des explosifs, etc., etc.
Que s'est-il passé en réalité ?
L'explication la plus simple est que les soldats ont tiré comme s'ils étaient à un stand de tir pour se venger de la mort de deux enfants tués par une roquette Qassam dans la ville israélienne de Sderot. Mais c'est difficile à croire.
Une autre explication, non moins alarmante, est que les soldats sont en état de panique perpétuelle. J'ai vu personnellement des soldats paniqués tirant sur tout ce qui bouge. C'est peut-être ce qui est arrivé là également : la fillette a lancé son cartable et a commencé à fuir après un tir d'avertissement, et les soldats, au lieu de tirer sur le cartable, ont tiré sur elle.
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Le scepticisme des Israéliens envers les déclarations de l'appareil de sécurité a causé une autre tragédie cette semaine.
La veille du Nouvel An juif, le service de sécurité général a conseillé aux gens de ne pas aller dans le Sinaï pour raison de sécurité. Les gens ont manifesté leur incrédulité en y allant quand même. Malgré les avertissements répétés, des dizaines de milliers de personnes y ont passé la période de vacances juives. Ils croyaient que l'avertissement avait un motif politique et que, de toutes façons, si la menace avait été sérieuse, les autorités auraient fermé la frontière. Cette fois, pourtant, les avertissements étaient justifiés. Des dizaines de personnes ont été tuées et blessées dans des attentats.
Aucune organisation palestinienne n'aurait eu l'idée de provoquer le gouvernement égyptien. Donc il semble que quelque chose de nouveau se soit passé.
Nous avons averti de nombreuses fois que la jeune génération arabe et musulmane dans le monde ne resterait pas toujours à l'écart alors que la télévision présente quotidiennement des reportages qui montrent comment la nation arabe est humiliée. Ils considèrent l'apathie des gouvernements arabes et musulmans devant les événements dans les territoires palestiniens occupés comme une lâcheté humiliante et une trahison flagrante.
Le traitement infligé au peuple palestinien par Sharon et ses prédécesseurs a créé une situation explosive. L'invasion de l'Irak par Bush a allumé l'étincelle. Un mouvement de résistance arabo-musulman est en train de naître, une résistance qui ne voit aucune différence entre l'Irak et la Palestine, entre Israël, les Etats-Unis et les gouvernements arabes.
C'est, semble-t-il, le message de Taba.
Sources : Lien vers http://www.nord-palestine.org/ressources_Uri_Avnery.091004.htm>
Quel spectacle !
par Uri AVNERY
le 6 octobre 2002
Qui ne se souvient de cette image : un Juif est traduit en justice à Moscou comme espion sioniste. Des membres de la famille et des amis viennent pour assister au procès et sont refoulés. Plus de place, leur a-t-on dit, tous les sièges sont occupés. Évidemment, des agents du KGB avaient rempli la salle et quand l'accusé est entré, ils se sont mis à crier : « Traître ! » « Espion ! » « Tuez-le ! »
Avant-hier j'ai été témoin de quelque chose de furieusement semblable à Tel-Aviv.
La demande de l'accusation de garder Marwan Barghouthi en prison jusqu'à la fin de son procès devait être examinée par le tribunal de grande instance. Barghouthi, une personnalité politique de premier plan, est connu depuis des années comme le dirigeant du mouvement Fatah d'Arafat en Cisjordanie. Après Oslo, il a participé à de nombreuses manifestations pour la paix. Il a été enlevé par les FDI et traduit en justice comme terroriste. Les militants de Gush Shalom et d'autres ont décidé d'assister au procès et de suivre les débats.
Je suis arrivé avec deux heures d'avance mais on ne m'a pas permis d'entrer dans la salle d'audience malgré ma carte de presse. Tout le public avait été expulsé, parce qu'à l'intérieur avait lieu une réunion du personnel de sécurité. J'ai aperçu à l'intérieur de la pièce des dizaines d'agents de sécurité et autres. Visiblement, ils étaient en train de préparer ce qui allait arriver.
Pendant ce temps, une foule s'était rassemblée devant la porte. Les agents de sécurité ont ordonné à chacun de descendre d'un étage et ont installé une barrière au pied des marches. Derrière cette barrière, des gens de la sécurité et des membres du bureau du Premier ministre ont pris position. Ils avaient des listes dans les mains. « Seules les personnes qui sont sur ces listes pourront entrer ! » ont-ils annoncé.
Qui est entré ? Un certain nombre de journalistes et d'équipes de télévision, en fonction d'une liste préparée par le bureau de presse du gouvernement (une branche du bureau du Premier ministre). Quelques diplomates et un membre de la Knesset. En dehors d'eux, seules les personnes apparaissant sur la liste fournie par « l'Organisation des Victimes de la terreur ».
C'est le nom innocent d'un groupe très connu : un organisme radical d'extrême droite, bien organisé et bien entraîné, qui se spécialise dans des manifestations violentes anti-arabes. Souvent les « victimes » apparaissent à côté des voyous de Kach - un groupe juif terroriste interdit. L'« Organisation des Victimes » ne représente évidemment qu'une infime partie des dizaines de milliers de familles touchées par la violence, qui appartiennent à toutes les couches de la société. Les kamikazes ne font pas la différence entre les gens de gauche et ceux de droite, entre les citoyens juifs et les citoyens arabes.
À part les membres de cette organisation, personne - pas une seule personne ! - n'a été autorisé à entrer dans la salle d'audience. Je suis journaliste. Pendant quelque cinquante ans, j'ai eu une carte de presse délivrée par le bureau de presse du gouvernement. Je suis aussi un ancien membre de la Knesset. Néanmoins, pendant deux heures et demie, je suis resté debout face à la barrière, entouré de gens de tous côtés, incapable de bouger, respirant avec difficulté dans une chaleur étouffante, alors que les membres de l'« Organisation des Victimes » passaient à côté de moi en tenant des posters pliés et de grandes photos. Autour de moi il y avait des avocats, des militants de la paix, des journalistes étrangers et des spectateurs ordinaires.
En Israël et dans le monde entier, les gens ont vu ce qui s'est passé dans la salle d'audience : quand Barghouthi a été amené, le public à l'intérieur a déclenché une émeute, brandissant des pancartes et des photos en criant « Assassin ! » « Terroriste ! » « Tuez-le ! ». On se serait cru dans les arènes de la Rome antique ou dans une scène de lynchage. Les gens voyant ceci à la télévision ne pouvaient pas savoir que c'était un spectacle préparé et organisé bien à l'avance par le gouvernement Sharon.
Le but était clair. Un des participants, un homme appelé Souiri, l'a avoué candidement quand il a été interviewé à la télévision : « Je voulais que le monde voie les victimes de cet assassin, Barghouthi ! » Autrement dit : les participants à l'émeute n'étaient pas venus pour voir et écouter. Ils avaient condamné l'accusé bien avant le début du procès. Le principe de la présomption d'innocence tant que la culpabilité n'est pas prouvée, n'est pas reconnu par ces gens-là. Il ne concerne certainement pas les Palestiniens.
La décision même de bourrer la salle avec des « victimes de la terreur », à l'exclusion de toute autre personne, équivaut à une condamnation par avance. Les victimes contre l'auteur. Cela signifie que l'ensemble du procès n'est rien d'autre qu'une action de propagande, un procès-spectacle de la même espèce que ceux des régimes fascistes et communistes.
L'émeute programmée a eu lieu dans un tribunal. Le service de surveillance du tribunal, qui comprend de nombreux agents des services des sécurité, a participé à l'organisation du spectacle qui était orchestré par le bureau du Premier ministre. Il est difficile de croire que tout ceci s'est passé à l'insu - et même sans la coopération - du tribunal.
Ceci déshonore l'ensemble du système judiciaire qui faisait la fierté d'Israël. Mais cette dégradation était probablement inévitable. Après les décisions de la Cour Suprême approuvant la torture (« pression physique modérée »), la déportation et la démolition des maisons des familles de kamikazes, considérant les personnes kidnappées comme « monnaie d'échange » (Sheikh Obeid et Dirani), c'est une autre étape inévitable qui alourdit le prix de l'occupation et de l'Intifada : dans ce domaine également, nous sommes en train dedescendre au niveau du Tiers-Monde.
Les chaînes de télévision ont donné beaucoup d'importance à l'émeute dans la salle d'audience, sans rendre compte de la façon dont elle avait été planifiée et orchestrée. Et ce n'est pas étonnant : ce qui se passe maintenant dans les tribunaux est déjà arrivé à la télévision. Depuis qu'Ariel Sharon a pris récemment le contrôle direct des médias audiovisuels, tout le monde peut voir les résultat de ses propres yeux. Comme feu Staline, Sharon apparaît désormais chaque jour à la télévision, s'adressant sans arrêt à la nation. Chacun de ces « événements » est soigneusement préparé et dirigé par ses conseillers en communication. Il apparaît parmi les soldats, sur fond de chars, en compagnie d'enfants, aux rencontres de parents endeuillés, aux cérémonies du souvenir. Jamais avec les chômeurs de Yerucham ou les familles affamées de Dimona, qui paient le prix de l'Intifada.
Chaque jour un ministre est invité, à tour de rôle, pour une longue interview à la télévision, dans laquelle il expose les immenses succès du gouvernement ainsi que les siens. Au nom de l'équilibre, un homme politique de droite est souvent confronté à un collègue d'extrême droite. Quelquefois, mais de moins en moins souvent, on fait appel à un « homme de gauche » pour servir d'alibi, et on lui permet de prononcer quelques phrases sur la paix avant qu'il soit interrompu par des cris de colère. Quel spectacle !
Voici à quoi ressemble maintenant la « seule démocratie du Moyen-Orient ». Il fut un temps où cela s'appelait « démocratie populaire ».
Sources : Lien vers http://terredescale.net/article.php3?id_article=202>
Uri Avnery à propos de l'assassinat de cheikh Yassine
« C'est pire qu'un crime, c'est un acte de stupidité ! » a commenté le militant de Gush Shalom, Uri Avnery, à propos de l'assassinat de cheikh Ahmed Yassine.
« C'est le début d'un nouveau chapitre dans le conflit israélo-palestinien. Cela déplace le conflit du niveau d'un conflit national résoluble au niveau d'un conflit religieux qui, du fait de sa nature, est insoluble.
« La destinée de l'État d'Israël est aujourd'hui entre les mains d'un groupe de personnes dont les perspectives d'avenir sont primitives et la perception des choses attardée. Ils sont incapables de comprendre les dimensions mentales, émotionnelles et politiques du conflit. C'est un groupe de politiciens et de responsables militaires incompétents qui ont échoué dans toutes leurs actions. Ils essaient de couvrir leurs échecs par une escalade catastrophique.
« Cet acte ne met pas uniquement en danger la sécurité personnelle de chaque Israélien, dans et en dehors d'Israël, il met aussi en danger l'existence même de l'État d'Israël. Il a gravement réduit les chances de mettre un terme aux conflits israélo-palestinien, israélo-arabe et israélo-musulman. »
Avnery ajoute qu'au début des années 80, les autorités occupantes (Israël) ont encouragé les fondateurs du Hamas, espérant qu'ils arriveraient à créer un contrepoids à Yasser Arafat et à l'OLP. Même pendant la première Intifada, l'armée et les services de sécurité ont octroyé un traitement de faveur au Hamas. Cheikh Yassine n'a d'ailleurs été arrêté qu'un an après ces événements.
« Il semble n'y avoir aucune limite à la bêtise de nos responsables politiques et militaires. Ils mettent en danger le futur de l'État d'Israël. »
Sources : France Palestine Solidarité
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