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SIONISME CHRETIEN - PARTIE III
Le sionisme chrétien à la rescousse du sionisme politique.
Par le Docteur Ali MENJOUR.
"Selon la Bible, les Juifs doivent retourner en Palestine. Par conséquent, je viens en aide à ce mouvement, en tant que Chrétien pleinement convaincu de la vérité de la Bible. Car cette cause est la cause de Dieu".
Révérend William Hechler.
Un an après la publication de son livre (en allemand) « Der Judenstaat » (L’Etat des Juifs), l’appel de Theodor Herzl au sionisme politique n’a pas trouvé d’écho favorable au sein des masses juives. Comme on l’a expliqué précédemment, cette réticence ou plutôt ce refus— a des raisons aussi bien politiques que religieuses.
Mais, étant donné que l’année 1895 était pour le père du sionisme politique celle d’échecs successifs et de déceptions inattendues, Theodor Herzl ne s’est jamais senti -peut -être grâce à ces échecs et déceptions- — aussi déterminé et sûr de lui-même. Le déroulement des évènements à l’encontre de ce qu’il désirait a aiguisé sa volonté et l’a rendu, comme il se plaisait à se qualifier « le responsable du sort des Juifs sans pour autant être mandaté par eux ». Une méfiance sans précédent s’est emparée de lui au point qu’elle a rendu son comportement et son langage si rigides et cassants que lorsque l’occasion lui a été offerte pour gagner à sa cause le Baron Maurice Von Hirsch, il n’a pas pu surmonter ses passions et vaincre ses arrière-pensées et il l’a tout simplement ratée ; « Objectivement, écrit Ernst Pawel, la rencontre entre Von Hirsh et Herzl fut un fiasco »(2). Pourtant, c’était le richissime homme d’affaires juif qui, intéressé par le projet de Herzl, lui avait répondu rapidement en l’invitant à venir le voir un certain dimanche 2 juin 1895 à son hôtel particulier à la rue de l’Elysée à Paris. Dans son autobiographie, Herzl regrette amèrement ses propos durs au cours de la discussion avec le grand philantrope, qui, pour sauver tant de vies juives, a acheté des régions entières en Argentine.
L’autre facteur qui a largement contribué à la détresse de Theodor Herzl au cours de cette même année 1895 était la détérioration de son état de santé. En effet, troubles psychiques et cardiaques se sont succédé. Pawel n’évoque pas l’éthiologie des symptones de la maladie qui, à l’âge de 44 ans, a terrassé Herzl. Il est, par contre, aisé d’affirmer qu’elle n’était autre que la syphilis chez ce bourgeois qui, comme le décrivait son biographe Pawel, fréquentait les bordels de Vienne lorsqu’il était étudiant.
« Dans le cas de Herzl, écrit Pawel, la mariée avait été élevée par une mère vulgaire, sans cœur et stupide. Quant à l’homme qui devait lui faire connaître les délices de l’amour (en parlant de Herzl), il avait acquis son savoir dans les bordels avec une maladie vénérienne en prime ». (3)
Le décès de sa femme Julie Nauschauer peu d’années après le sien des mêmes symptomes confirme la thèse de l’atteinte de Herzl par une maladie mortelle sexuellement transmissible.
L’étude historique du mouvement sioniste et de la vie de Herzl montrent que jusqu’en mars 1896, rien ne laissait prévoir une quelconque avancée dans la réalisation de son projet. La pensée de Herzl, exprimée dans son livre «l’Etat des Juifs », aurait pu rester lettre morte et n’avoir qu’une valeur historique, comme ce fut le cas de celle de Moses Hess (1812-1875) ami de Karl Marx— exprimée dans son livre « Rome et Jérusalem» - ou celle de Léon Pinsker dans « Autodétermination », deux penseurs juifs considérés par les historiens du sionisme comme étant les précurseurs du sionisme politique.
Que s’est-il passé entre mars 1896 et août 1897—date de la tenue du 1er Congrès sioniste — pour qu’on assiste à une relance si spectaculaire ? Qui a de nouveau insufflé la vie au sionisme politique ?
L’engagement de Hechler au côté de Herzl.
La journée du 16 février 1896 peut être considérée comme un véritable tournant dans l’histoire du sionisme politique. C’est, en effet, au cours de cette journée que Raphael Landan a, après une longue discussion avec Theodor Herzl, promis à ce dernier de le mettre en contact avec le révérend William Hechler (1845-1931), chapelain de l’ambassade britannique à Vienne. Avocat de profession, mais aussi journaliste très lu au prestigieux quotidien de Vienne « Neue Freie Presse » (« La nouvelle presse libre ») où travaillait Herzl, Raphael Landan, en tant que fervent sioniste, était connu par ses publications en allemand, en polonais et en yddisch (mélange d’hébreu et d’allemand). Par ailleurs, grâce à ses multiples connaissances, il a su tisser de solides relations dans le monde de la politique et dans beaucoups de cercles culturels. Après avoir été convaincu par Landan du fait que le destin du sionisme politique peut aussi être l’œuvre de certains Chrétiens, Herzl a finalement accepté de discuter avec Hechler à propos de la question. La rencontre a été préparée par Landan. Elle a eu lieu à la mi-mars 1896.
Après avoir grimpé quatre étages dans l’immeuble où résidait Hechler, Herzl a été accueilli au son de l’orgue que jouait le gnome aux joues roses et à la barbe clairsemée… Tout juste après avoir souhaité la bienvenue au « fils de Sion » comme il se plaisait à qualifier Herzl, le révérend Hechler a étalé un plan de l’ancien temple de Jérusalem et une immense carte de la Palestine pour expliquer à son hôte le lieu où devait s’ériger le nouveau temple. De même il lui fait savoir d’emblée « que sa plus haute ambition était de devenir évèque de Jérusalem suffisamment à temps pour pouvoir accueillir le Sauveur à la porte de la cité ».(4)
Que cachent ces mots du pasteur anglican? Et quelle est cette nouvelle fonction d’évèque de Jérusalem tant souhaitée par Hechler pour qu’il puisse accueillir la personnalité du Messie Sauveur ?
On peut dire que dès leur première rencontre, Hechler a résumé à son hôte sous forme de vœu le sionisme chrétien, qui se base sur le messianisme et le millénarisme. Autrement dit sur l’espoir ardent de la Parousie, le Second Avènement de Jésus, et sur le vœu d’être ressuscité pour être parmi ses apôtres pour vivre avec lui. C’est cette vie préparadisiaque de mille ans, faite de justice et d’amour, prélude à la fin des temps, qu’on appelle le Millénaire. Le Second Avènement de Jésus, ou Parousie, et les mille ans du règne du Messie Sauveur ne peuvent avoir lieu dans une certaine théologie chrétienne que lorsque les Juifs se ressembleront en Palestine pour se convertir au Christianisme et reconnaître la messianité de Jésus.
Informé par son corréligionnaire Landan de la pensée religieuse de Hechler, Theodor Herzl savait qu’il était pour la première fois en face d’un non-juif totalement convaincu de la nécessité de la colonisation de la Palestine par les Juifs.
D’ailleurs, depuis cette rencontre, Hechler n’a pas quitté Herzl et n’a pas hésité un moment à lui ouvrir les portes des chancelleries allemandes et austro-hongroises. Ayant été précepteur à la Cour du Grand Duc Frédéric de Bade, l’oncle de l’empereur Guillaume II, le révérend Hechler, dont le père est allemand, a su garder avec son ancien maître des relations pleines de déférence. Ne s’étant jamais servi de ces relations à des fins personnelles, il les a utilisées pour ce qu’il considère comme la cause de son existence. Travailleur infatigable et militant convaincu, son action a été déterminante pour mettre Herzl en contact avec les dirigeants les plus influents des empires germanique et austro-hongrois. Son engagement au côté de Herzl était si sincère et total que lorsque tant d’obstacles étaient érigés devant ce dernier pour rencontrer le Kaiser en Allemagne, Hechler, parfait connaisseur de la Cour impériale, l’a alors incité à faire le voyage en Palestine où il s’est chargé de lui organiser la rencontre avec le Kaiser Guillaume II.
A titre de gratitude, Hechler s’est vu invité au premier Congrès de Bale parmi les personnalités non-juives comme c’est le cas d’Henri Dunant (1828-1910), fondateur de la Croix -Rouge internationale.
Hechler, modèle du sioniste chrétien.
La motivation essentielle du révérend Hechler dans son soutien au sionisme politique est d’ordre religieux. Passionné des prophéties bibliques, il était convaincu de l’imminence du Second Avènement. Deux ans avant la publication par Herzl de « l’Etat des Juifs», Hechler a publié (en 1894) une brochure intitulée "The restauration of the Jews to Palestine".(5) La thèse présentée par Hechler dans sa brochure est celle de tous les Chrétiens sionistes qui croient fermement que la venue du Messie doit être précédée par le rassemblement des Juifs en Palestine . Ou son corollaire, le rassemblement de ces derniers en Palestine, prélude à la venue du Messie.
Comme tous ceux qui s’intéressent aux prophéties bibliques, la recherche de la date de la venue du Christ est pour Hechler une passion. D’où l’intérêt qu’il porte à l’arithmétique sacrée, celle des Kabalistes (forme d’ésotérisme) juifs et chrétiens. Elle constitue un moyen pour la découverte de la date du Second Avènement ou de son prélude.
«Evaluant le mois prophétique à trente années, écrit Ernst Pawel, il (Hechler) aboutissait à un total de 1260 ans entre la destruction et la résurrection de Jérusalem (70 av. J.C) En prenant comme point de départ la conquête de la ville en 637 - 638 par le Calife Omar, ce qui donnait 1897 - 1898 comme date du début du Second Avènement. Lorsque Landan lui parla de Herzl et de son livre "Der Judenstaat", il y vit "le signe venu d’en haut que l’action allait commencer".(6)
Le but visé par Hechler est clairement exprimé dans sa lettre au Grand Duc de Bade "Selon la Bible, les Juifs doivent retourner en Palestine. Par conséquent, je viens en aide à ce mouvement, en tant que chrétien pleinement convaincu de la vérité de la Bible. Car cette cause est la cause de Dieu"7. La pensée de Hechler est celle d’un sioniste chrétien. Mais force nous est de rappeler que c’est aussi celle du chapelain de l’ambassade britannique à Vienne. Il est clair qu’Hechler a transformé sa fonction, d’une mission religieuse en une action éminemment politique au vu et au su des autorités politiques britanniques, qui avaient la main haute sur l’église de leur pays ainsi que sur ses représentants à l’étranger. Il est inimaginable de concevoir que tout ce qu’a fait Hechler pour le sionisme politique n’avait pas l’aval et la bénédiction des autorités politiques de Sa Majesté…
Suite : Partie IV Lien vers http://sionisme.populus.ch/rub/5>
Références bibliographiques
1- Lettre du révérend William Hechler au Grand Duc de Bade. « Babylone ou Jérusalem », Jan Willaem Van der Hoeven. Ed « Chalom Israël» France, 1996 (p132).
2- « Theodor Herzl ou le labyrinthe de l’exil ». Ernst Pavel-Ed.Sernl.(p 206).
3 - idem (p. 122).
5 - Palestine terre des divins (p 180) .
6 - idem (p.262).
7 - In Lettre du révérend Hechler au Grand Duc de Bade.
Sources : Lien vers http://www.realites.com.tn/index1.php?mag=1&cat=/10025555550000550000000IRAK/1La résistance du peuple&art=9995&a=detail1>
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