QUAND ON DIT CE QU'ON PENSE, ON EST VILIPENDE
Les critiques de Daniel Barenboim envers Israël irritent fortement Katsav et Livnat
Par Gideon Alon
Article paru dans Ha'Aretz du lundi 10 mai 2004
Le chef d'orchestre Daniel Barenboim s'est attiré des réponses offusquées, dimanche soir, du président israélien Moshe Katsav, ainsi que de la ministre de l'Education Limor Livnat, après ses critiques impitoyables de la politique israélienne envers les Palestiniens.
Barenboim s'exprimait devant la Knesset, où lui a été décerné le prix de la Fondation Wolf. Il a déclaré notamment : « Avec de la douleur au coeur, je pose la question, aujourd'hui, de savoir si une situation de conquête et de contrôle est compatible avec la Déclaration d'Indépendance d'Israël ? »
Barenboim a continué à s'interroger publiquement : « Y a-t-il une logique dans l'indépendance d'un peuple, si c'est au prix des droits fondamentaux d'un autre peuple ? Le peuple juif, dont l'histoire est pleine de souffrances et de persécution, peut-il se permettre de rester indifférent quant aux droits et à la souffrance d'un peuple voisin ? (.)
(.) L'Etat d'Israël peut-il se permettre de se bercer d'un rêve totalement irréaliste - l'ambition de trouver une résolution idéologique au conflit - au lieu de chercher à obtenir une solution pragmatique et humaine, fondée sur la justice sociale ? »
Les observations de Barenboim ont eu le don de mettre Livnat hors d'elle. Elle a vivement rejeté les critiques de l'Etat formulées par l'artiste : « Israël a été fondé, d'abord et avant toute chose, afin d'être le foyer national du peuple juif. Israël respecte les minorités qui vivent en son sein », a-t-elle asséné.
Katsav a lui aussi exprimé des réserves au sujet des observations du chef d'orchestre.
« Barenboim mérite d'être critiqué, non seulement pour ces remarques désobligeantes à la Knesset, mais aussi pour avoir refusé de présenter ses excuses aux survivants de l'Holocauste, qui ont été gravement offensé lorsqu'il est allé jusqu'à diriger des oeuvres de Richard Wagner », a-t-il déclaré, poursuivant en ces termes :
« Nous devons veiller à ne pas perdre nos sentiments de compassion ( ? ! ?), notre sens de la responsabilité humaine. Dans l'Etat juif, où vivent des rescapés de l'Holocauste, les sentiments de ces victimes doivent être respectés, et la liberté d'expression ne saurait servir de prétexte pour heurter leurs sentiments. »
Le porte-parole de la Knesset, Reuven Rivlin, a boycotté la cérémonie de remise de la distinction, affirmant que Barenboim a « souillé la mémoire des victimes de l'Holocauste en dirigeant, comme il l'a fait, une oeuvre de Richard Wagner. »
Traduction : Marcel Charbonnier
Sources : Lien vers http://www.ism-france.org/news/article.php?id=1083&type=analyse>
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